Tout le monde a-t-il vraiment le syndrome de l’imposteur ?
- Sophie Huot
- 28 mai
- 3 min de lecture

Ces derniers temps, j’entends de plus en plus souvent :
" C'est mon syndrome de l'imposteur "
Dès qu’un doute surgit, dès qu’une personne ne se sent pas totalement légitime ou manque de confiance sur un sujet, le diagnostic semble tout trouvé.
.Mais attention : ce que l’on nomme ainsi aujourd’hui est souvent très éloigné du concept originel.
🧠 Le syndrome de l’imposteur, ce n’est pas juste un moment de doute.
Certes, une étude de 2019 montre que 70 % des personnes disent avoir ressenti une fois dans leur vie un sentiment d’imposture. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde "souffre du syndrome".
🔎 Les mots ont un poids, ils façonnent notre compréhension du monde. Les mots-valises desservent notre analyse et surtout notre chemin vers le changement.
Alors j’ai relu l’article fondateur de Clance et Imes publié en 1978. Et il est toujours d’actualité.
📚 À l’origine : un mécanisme profondément ancré
L’étude porte sur 150 femmes au parcours académique ou professionnel exemplaire. Malgré leurs résultats indiscutables, elles refusent d’y voir la preuve de leur intelligence. Elles attribuent leurs succès à :
la chance,
une erreur d’évaluation,
l’indulgence de leur professeur ou manager.
En clair : elles réussissent, mais n’y croient pas.
Les chercheuses identifient deux schémas familiaux souvent à l’origine de ce phénomène :
🔹 Cas n°1 : "L’autre, c’était le cerveau"
Dans certaines familles, un autre enfant de la fratrie est désigné comme "le ou la brillante ». La personne sujette au syndrome, elle, est reconnue pour sa gentillesse, sa sensibilité, son charme.
Quoi qu’elle accomplisse, elle ne sera jamais "l’intelligente" de la famille. Une part d’elle-même le croit. L’autre part s’échine à prouver le contraire — souvent avec succès.
Mais ces réussites, aussi brillantes soient-elles, sont ignorées ou minimisées par l’entourage. Et cette reconnaissance extérieure, si elle n’est pas validée par les figures de référence, ne parvient jamais à réparer le doute intérieur.
🔹 Cas n°2 : "Tu peux tout faire, sans effort"
Dans d’autres familles, l’enfant est considéré comme exceptionnel·le, capable de tout réussir. Mais il s'agit d'une vision de l'intelligence spécifique, celle d'une forme de "génie" : " si tu es vraiment intelligent·e, tu n’as pas besoin de faire d’effort."
👉 Alors, quand vient le moment où les choses deviennent difficiles, l’enfant cache ses efforts. Travailler dur devient suspect, comme si c’était la preuve d’un défaut de capacité.
"Si j’y arrive, c’est uniquement parce que je me suis épuisé·e. Donc je ne suis pas si doué·e que ça."
🎯 Le syndrome de l’imposteur, ce n’est pas un manque de confiance
La confusion entre manque de confiance en soi et syndrome de l’imposteur est fréquente, mais problématique.
Manque de confiance | Syndrome de l’imposteur |
Fluctue selon les situations | Persiste même face à la réussite |
S’atténue avec les preuves | Résiste aux preuves |
Peut être verbal et visible | Est souvent dissimulé |
Génère de la retenue | Peut coexister avec une forte performance |
👩🎓 Un phénomène genré et culturellement renforcé
Clance et Imes soulignent dès 1978 que le phénomène est plus fréquent chez les femmes, et encore plus chez celles issues de minorités. Pourquoi ? Parce que les mécanismes d’attribution du succès diffèrent :
Les femmes tendent à attribuer leurs réussites à l’effort ou à la chance.
Les hommes, plus souvent, les relient à leurs qualités intrinsèques.
Ces biais sont renforcés par les stéréotypes de genre et les normes sociales de réussite. Si une femme réussit dans un environnement où elle est sous-représentée, l’idée qu’elle est une "fraude" est parfois plus facilement acceptée par elle-même… et les autres.
Les recherches récentes ont d'ailleurs de plus en plus tendance à s'éloigner d'une pathologie individuelle "clinique" pour aller vers un symptôme d'origine systémique.
Je veux croire que les choses ont évolué depuis 1978. Mais force est de constater que le modèle dominant du leadership reste encore très normé et genré.
🙋♀️ Ce que je retiens
À la relecture de cet article fondateur, je me dis que :
👉 Il est crucial de différencier un moment de doute passager ou le manque de confiance en soi d’un vrai syndrome de l’imposteur, pour accompagner efficacement celles et ceux qui en souffrent.
👉 Mais il est encore plus essentiel de travailler collectivement sur les stéréotypes de la réussite et du leadership, pour ne pas faire porter à l’individu ce qui relève aussi du système.
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Je vous encourage à lire l'article fondateur (en anglais) , pour plus de détails, notamment sur les symptômes de ce syndrome:
Travail acharné, qui ne parvient jamais à rassurer ou changer sa croyance, jusqu'à l'épuisement;
Tendance à cacher ses opinions, ses points de vue, à aller dans le sens dominant pour ne pas révéler son manque d'intelligence;
Utiliser sa sensibilité, sa gentillesse, sa perspicacité pour gagner l'approbation de ses supérieurs, mais si l'approbation vient c'est la preuve que ce n'est pas du à son intelligence
Le voici:
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