OTHENTIK PORTRAITS
#2 - Aurélie Fillon - Décembre 2018
(English version below)
Autant être honnête, je connais personnellement Aurélie Fillon. Nous avons travaillé ensemble il y a quelques années au sein de Fives, Groupe français d’ingénierie industrielle de dimension internationale.
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J’ai souhaité faire son portrait car après une riche carrière dans le domaine de la finance, nous y reviendrons, Aurélie a été nommée VP Services au sein de la division Aluminium du Groupe. En prenant ce poste, elle sort de son métier d’origine, pour aller vers un métier plus technique, plus opérationnel et commercial. C’est un monde d’ingénieurs, un monde plus masculin, même si comme partout ailleurs, la place des femmes évolue et des actions sont mises en œuvre pour féminiser les fonctions techniques. Néanmoins, à 40 ans, elle devient la première femme VP Services d’une division, qui compte 900 salariés. Or, je trouve ce mouvement très intéressant dans la mesure où on reconnaît aujourd’hui qu’il faut que les femmes accèdent à des postes opérationnels hauts placés pour augmenter leur chance de pouvoir briguer des postes de Direction Générale.
Ce qui m’a impressionnée au cours de notre conversation, c’est le savant mélange d’honnêteté, de franchise, de doutes qu’elle exprime, mêlés à l’envie, la volonté de ne rien laisser passer, de saisir toutes les opportunités qui se présentent à elle. L’expression reviendra souvent : « je me suis dit que j’allais essayer », et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a bien fait.
« C’est moi, c’est ce que j’ai de mieux à offrir : une maman heureuse, et je suis heureuse quand je travaille, même beaucoup. »
Il se dégage également un fil directeur évident : les autres. Ceux avec qui elle travaille, les équipes, les projets, ceux qui lui font confiance et en qui elle puise de la force, ceux qui vont aussi lui permettre d’apprendre et d’avancer.​
Othentik Coaching : Aurélie à vous entendre raconter votre parcours, j’ai la sensation que le défi c’est plutôt de vous imposer du fait de votre âge et non du fait d’être une femme?
Aurélie Fillon : Tout à fait. En sortant de mon école de commerce, j’ai passé un peu plus de trois ans dans un Cabinet d’Audit –Ernst&Young- et en 2004, j’ai intégré Fives en tant que contrôleuse de gestion. Cela s’est produit un peu par hasard, je ne cherchais pas réellement à partir, mais en les rencontrant sur les conseils d’un ancien collègue également parti chez Fives, j’ai été vraiment été séduite.
Les personnes que j’ai rencontrées exprimaient une vraie passion pour la finance, avec, en plus, une orientation très business : qu’est-ce que la finance peut apporter au business ? à son développement ? La finance était là en support et non en contrainte., en 2006, j’ai été nommée Directrice Administrative et Financière (DAF) d’une société du Groupe : Solios Environnement, composée d’une centaine de personnes, d’abord temporairement, puis définitivement. J’avais 28 ans et je me suis retrouvée à gérer une équipe où la moyenne d’âge était d’environ 50 ans, composée de personnes expérimentées. Je siégeais au sein du Comité de Direction où j’étais la seule femme, la plus jeune, et la seule non ingénieure ! Oui c’était un peu impressionnant au départ.
O : Comment avez-vous abordé la situation?
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AF : Pour moi, le challenge, c’était de prouver ma légitimité, d’une part auprès de mon équipe, et d’autre part auprès du Comité de Direction. Je devais faire oublier mon âge, mon absence de culture ingénieure, le fait que mon équipe était plus expérimentée que moi, quel que soit le sujet : comptabilité, ressources humaines, paie… C’était aussi la première fois que je sortais de mon univers, de ma zone de confort. Durant mes études, pendant mes années d’audit, puis à la Holding en contrôle de gestion, j’étais entourée de personnes qui me ressemblaient, qui avaient la même façon de travailler, les mêmes centres d’intérêts. Là c’était différent.
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Alors, je me suis dis que la seule chose à faire c’était d’être honnête : certes je n’étais pas aussi expérimentée que mes équipes, mais je me suis dit que je pouvais leur apporter autre chose : la capacité à prendre du recul, à remettre les sujets dans un contexte plus global, à gérer les priorités. Et puis surtout, je comptais sur eux pour apprendre, le plus rapidement possible.
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J’ai eu la même approche avec le Comité de Direction, et j’ai été aidée par le Directeur Général qui, très vite, m’a dit qu’il attendait que je sois spontanée. Pas de filtre, pas de tabous, toutes les questions méritaient d’être sur la table. En fait, il attendait justement de ma part une vision différente.
O : Sur quelle(s) force(s) vous êtes vous appuyée à ce moment là?
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AF : De manière générale, je ne crois pas avoir confiance en moi, mais en revanche j’ai confiance dans le jugement des autres. J’ai donc fait confiance à ceux qui m’avaient proposé le poste. J’ai considéré qu’ils savaient ce qu’ils faisaient, qu’ils m’avaient choisie pour de bonnes raisons. Cette pensée m’a aidée.
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O : A peine 3 ans plus tard, en 2009, vous avez pris la tête de la Direction financière de la Division Aluminium (380 salariés, alors), vous êtes-vous retrouvée face aux mêmes challenges ?
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AF : Oui, j’étais jeune, de nouveau pas la plus expérimentée pour prendre ce poste, et j’ai senti que certains considéraient que je n’étais pas prête. D’ailleurs, moi non plus je ne me sentais pas tout à fait prête ! Mais je ne pouvais pas rater une occasion pareille ! Je me suis dit que j’allais essayer. De façon générale je doute beaucoup, mais ca ne m’empêche pas de prendre des risques. Je crois que mon moteur c’est de ne pas vouloir avoir de regrets, et je me dis que quand on est motivé, on peut déplacer des montagnes et que si vraiment ça ne marche pas, tant pis, je retomberai bien sur mes pieds.
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O : Vos filles sont nées en 2008 et 2011, est-ce que cela a changé quelque chose à votre rythme ? Comment avez-vous concilié les exigences professionnelles et votre vie familiale ?
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AF : Bien sûr, avoir des enfants a bousculé mes centres d’intérêts, mais au sein de mon couple, nous étions très clairs sur ce sujet : si nous tenions énormément à créer une famille il n’était pas question pour autant que cela nous empêche de travailler comme avant. Alors nous nous sommes organisés pour avoir de la souplesse. Encore aujourd’hui, nous partageons tout, les contraintes familiales et les contraintes professionnelles. Nous faisons en sorte de ne pas trop travailler le soir et le week-end. Et nos filles grandissant, elles font aussi valoir leurs exigences : elles nous interdisent nos téléphones portables au diner ! Enfin, nous faisons beaucoup d’activités en famille, des vacances, et nous en profitons au maximum.
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« Il faut essayer, tenter, être bien préparée et assumer, sinon c’est vain tout ça »
O : Malgré tout, on perçoit qu’il faut une bonne dose d’énergie pour tout gérer, comment rechargez-vous vos batteries ?
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AF : Je ne sais pas ! Je ne veux pas laisser penser qu’il n’y a pas de stress ou de doute car il y en a, mais ma force c’est le dialogue omniprésent à la maison avec mon mari.
Nous parlons beaucoup de notre travail, et comme nous sommes très différents, cela nous permet d’avoir une perspective différente. Je dirais que je suis une analytique, et lui un créatif, nous nous complétons.
O : Dernière question ! Avez vous un mantra, une phrase qui vous a accompagné pendant votre carrière ?
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AF : C’est difficile cette question ! Je ne sais pas si c’est un mantra mais je me suis beaucoup dit : « je vais essayer ». Je pense vraiment qu’il faut tenter, être bien préparée, et assumer, sinon c’est vain tout ça !
O : Qu’est-ce qui est vain ?
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AF : Le sens qu’on donne à sa vie. J’essaye de faire quelque chose dans ma vie personnelle et professionnelle, je veux avancer, apprendre, construire. J’ai pourtant beaucoup de doutes et de timidité, mais cela me permet de les dépasser.
O : Merci beaucoup Aurélie !
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Si vous voulez raconter votre expérience, votre parcours, comment vous avez navigué dans un environnement où les femmes n’étaient pas attendues, contactez-moi !
#2 - Aurélie Fillon - December 2018
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Let’s be honest, I know Aurélie Fillon. A few years ago, we used to work together at Fives Group, a French engineering company which operates worldwide.
I wanted to interview her and share with you her story because, after a wealthy career in finance, we’ll talk about that, Aurélie is now the first woman to take a Business Line VP Services position in the Group.
Taking this position, she definitely goes out of her comfort zone, moving away from her original background toward a technical, operational and trading job. It’s a man's world, an engineers‘ world, even if like everywhere else, women tend to get more and more visible, and actions are implemented to feminize technical jobs.
Nevertheless, at 40 years old, she becomes the VP Services of the Aluminum Business Line that counts 900 employees.
Given that it is known that women need to take Executive operational positions in order to be more likely promoted to General Manager positions in the future, Aurelie’s promotion is highly interesting.
During our conversation, I’ve been hugely impressed by her very own specific blend of honesty, candidness, doubts, combined with the willingness to take every opportunity that will cross her path, her eyes widely open not to miss any chance to learn and grow.
She said several times « I just told myself I should at least try » and she was right!
« It’s me, this is the best version of me I can offer: a happy Mum, and I’m happy when I work, even hard.»»
From our conversation also emerged one thing that guided her all along her career: others. Those she worked with, the teams, the projects, those who trusted her and gave her strengths to go further, those who enabled her to learn and grow.
Othentik Coaching: Aurélie, when I listen to you, I feel like your main challenge was to be legitimate despite your age more than despite the fact that you were a woman, is that true?
Aurélie Fillon: Absolutely. When I graduated from my Business school, I worked for three years at Ernst&Young, and in 2004 I joined the Corporate Finance department at Fives, a bit randomly. I was not looking for a job, but a former colleague who worked for them advised me to meet them and I did, for the best.
The people I met expressed a real passion for Finance, but mostly their vision was highly business-oriented: how can Finance support the business grow? They considered Finance as a support service and not only as a limiting and controlling function.
Then, in 2006 I was nominated Chief Finance Officer (CFO) of a Group’s subsidiary: Solios Environnement, about 100 employees, first temporarily and then permanently.
I was 28 years old, and I was in a position where I had to manage a very experimented team which average age was around 50 years old. I sit at the Management Committee where I was the only woman, the youngest, and the only one who wasn’t an engineer! Yes, that was a bit impressing at first.
O: What was your strategy?
AF: My personal challenge was to prove my legitimacy first to my team and secondly to the Management Committee.
I had to make people forgotten my age, my lack of engineering culture, the fact that whatever the topic was my team was better skilled than me: Accountability, Human resources, Pay. It was also the first time that I felt outside of my realm, of my comfort zone.
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During my studies, my years at Ernst&Young, and at the Corporate Finance Department, I was surrounded by people who looked just like me, with the same approach of working, the same interests. This time it was different.
Therefore, I told myself that the smartest thing to do was to be honest with all of them: indeed I was not as experimented as they were, but I could bring different and new skills: The ability to take a step back, to have a holistic view on issues, to manage the priorities. And above all, I relied on them to learn as fast as I could.
I used the same strategy with the Management Committee, and I was supported by the Managing Director. Right away, he told me what he expected from me: being spontaneous, no filter, no taboo, all the questions deserved to be on the table. Actually, he precisely expected from me a different point of view.
O: Which strengths did you rely on?
AF: Generally speaking, I’m not very self-confident, but I trust my managers’ opinion. So I trusted those who were confident in me, those who proposed me the job. I decided that they knew what they were doing and that they must have chosen me for good reasons! Believing in their confidence helped me.
O: Less than 3 years later you became The CFO of the Aluminum Business Line (380 employees at this time). Did you face the same challenges?
AF: Yes, again I was the youngest, and the less experimented to take this job, and I knew that some people considered I was not ready.
And I have to say I didn’t feel fully prepared either. But I couldn't miss such a great opportunity. So I told myself I should give it a try. I doubt my self a lot, but it doesn’t hold me back to take risks. I think that one of my main drivers is to not regret anything. I’m convinced that when you are really motivated you can move mountains, but if it turns out it doesn’t work out, I know that I will get back on my feet one way or another.
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O: Your daughters were born in 2008 and 2011, did it change the perspective on your professional life? How did you manage your priorities?
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AF: Of course, becoming a mother has changed my priorities, and my way of life, but my husband and I were very clear on that: as deep as was our willingness to build a family, it shouldn’t prevent us from having a fulfilling professional life.
As a consequence, we set up an organization that gave us some flexibility. We managed all the family and professional constraints together, and we still do. We work as less as possible during weekends and evenings, and as our daughters are growing up they make their voices heard: parents are not allowed to have their Smartphone during family dinners! We also have a rule to make the most of every family time together: at home or during the holidays.
« We have to try, be prepared, and assume, otherwise, all of this is vain .»
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O: It looks like you manage your personal and Professional life with a lot of freedom?
AF: I would say that at least I don’t feel guilty. I’m a working Mum, a hard working Mum, that’s true, but I also share a lot about my work with my daughters, I talk about my travels, my discoveries, my experiences. It’s me, this is the best version of me I can offer: a happy Mum. And I’m happy when I work, even hard.
O: In the first portrait, the woman I interviewed explained that she could cope with an intense professional and personal life as long as it was worth it, as long as she was going to work with a smile on her face. I feel that I hear the same from you?
AF: Yes, I’m not a career woman, it is not my driver. I like to contribute to something bigger than me with a team, to bring my skills, my abilities to a project and to make a difference.
This is the reason why I’ve been enjoying so much working for Fives. The mindset that prevails in this company matches my own.
Fives grows but it’s still a human-sized company, and there still is an entrepreneur spirit.
The people I work with every day are not driven by their personal ambition, they only aim to develop their business. This is what I like: « we are here to try something new, together ».
O: Have you ever felt that being a woman was limiting?
AF: Honestly never. Yes, I’ve heard sexist comments, but I’ve never felt upset about it because it has never stopped me from moving forward. I think that things have changed, the way women are seen in the workplace is now more due to a generational gap than anything else.
O: It takes a lot of energy though to deal with a very demanding job and a family, how do you recharge your batteries?
AF: I don’t know! I don’t want you to think that there is no stress or doubts, because there are some! But I think that I find a lot of strength in the permanent dialogue I have with my husband. We talk a lot about our work, and we are very different so we always share different perspectives, point of views. I would say he’s the creative one, while I’m more an analytic mind. We complete each other.
O: Last question! Do you have a motto which has guided your career?
AF: That’s a tough question! I don’t know if it is a motto, but I repeatedly told myself « I’m going to try ». I think it is worth to try, be prepared, and assume, otherwise, all of this is vain!
O: What is vain?
AF: The meaning I try to give to my life. I really try hard to do something with my life, on a professional and personal level, I want to move forward, learn, build. I have a lot of self-doubts, and I’m a bit introvert, but this intent gives me the strength to overcome these personality traits.
O: Thank you very much Aurélie!
If you want to share your own story, how you have navigated through a work environment where women were not expected, contact me!!